Peut-on travailler dans une entreprise qui ne fait pas envie ?
Dans une situation de recherche d’emploi, les premières entreprises auxquelles on postule sont en général celles qui correspondent à nos « valeurs », celles qui nous font rêver par leurs produits et leur image.
Mais voilà une situation à laquelle vous pouvez être confronté : comme il serait irrationnel de se limiter uniquement à ces entreprises, vous commencez à regarder d’autres annonces. Vous cliquez alors sur une offre alléchante qui correspond en tout point à ce que vous cherchez, et soudain, vous vous retrouvez face au nom d’une entreprise qui rebute votre éthique. Que faire ? Postuler quand même ou fermer précipitamment votre page internet ?
Un certain nombre d’entreprises possède ce handicap d’image. Prenons l’exemple de Dassault : son positionnement dans la vente d’armes et les déclarations homophobes de son PDG peuvent engendrer une certaine hostilité à postuler de la part d’un candidat.
Afin d’évaluer l’hostilité (ou l’amour !) de la population envers certaines entreprises, lamatrice.com publie régulièrement le baromètre Posternak Ifop classant les entreprises par leur niveau de popularité. En dernières position on trouve ENGIE, SFR, Total et la SNCF. Des entreprises comme celles-ci ont donc un véritable challenge en matière de marque employeur. Comment attirer les candidats alors qu’ils n’auront a priori pas vraiment envie de postuler ?
La réponse est simple : la plupart de ces entreprises offrent de généreux avantages à leurs salariés. Si on consulte la page Glassdoor de Total (qui se trouve à la 29ème place sur 30 dans le classement Posternak), on observe des commentaires largement positifs. 79% des personnes recommandent de travailler dans cette entreprise. Par ailleurs, les salaires (même ceux des stagiaires) sont assez élevés en comparaison avec le marché actuel.
D’autres entreprises misent aussi sur la consolidation de leur marque employeur. La SNCF a ainsi mis en place un Serious Game « Défi ingénieur » pour attirer de nouvelles recrues.
Mais des avantages en nature suffisent-ils réellement à faire oublier leur éthique à des candidats militants ?
Quand on sait que le bonheur au travail est basé sur les trois piliers que sont la liberté, le plaisir et le sens, dans ces sociétés, on ne peut avoir que deux des piliers. J’ai personnellement du mal à voir comment trouver du sens à fabriquer des armes. Maintenant, un passionné d’armes y trouvera du sens. Par contre, en ce qui concerne la SNCF, on peut très bien y retrouver du sens si on est un écologiste mais peu de liberté car la hiérarchie est importante dans ce genre de société en France. Bref, il y en a pour tous les goûts et l’aspect financier attire quelques années mais ne rendra jamais quelqu’un heureux de faire son boulot.
Je suis tout à fait d’accord. Si j’obtenais une offre dans une entreprise qui ne correspond pas à mes valeurs, je doute fort que je l’accepterais, pour les raisons que vous évoquez. Cependant, pour avoir pu échanger avec des personnes ayant accepté un poste dans des entreprises traitant de sujets peu éthiques, il semblerait que l’environnement de travail est à l’opposé de ce que l’on imagine de l’extérieur. Ces personnes étaient en quelque sorte « rassurées » que leur secteur d’activité soit dirigé par des individus extrêmement qualifiés ayant pleinement conscience des dangers que cela pouvait provoquer. Il me semble donc qu’ici, l’aspect financier a été supplanté par le plaisir. Evidemment, on ne peut pas faire de généralités avec les ressentis de quelques salariés, mais cet aspect du sujet m’a paru assez intéressant.
Je refuse de me mettre au service de valeurs que je ne partage pas et que mes proches ne partagent pas, l’argent ne peut pas tout acheter !
Même dans le cas d’un chômage de longue durée ou d’un bouleversement personnel (mutation du conjoint, coup dur de la vie) ?
On ne peut jurer de rien, d’autant que la fonction du discours institutionnel est, entre autres, de réduire les dissonances de valeurs entre l’individu et l’institution. Mais à la première occasion je change d’emploi !
Ne pas confondre image des entreprises et marque employeur. Total, ENGIE et la SNCF jouissent (a priori) d’une excellente marque employeur.
« Comment attirer les candidats alors qu’ils n’auront a priori pas vraiment envie de postuler ? »
On se trompe en se posant cette question sur la base du baromètre Posternak qui ne mesure pas la vision de candidats en recherche active mais une opinion publique.
Les géants de la grande distribution qui apparaissent dans le top 10 font-ils vraiment rêver les candidats ou les jeunes diplomés?
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Image des entreprises et marque employeur sont évidemment deux notions différentes. Cependant si l’image d’une entreprise est écornée, sa marque employeur en sera (à mon sens) affectée aux yeux d’une personne qui lui est extérieure. En effet, la marque employeur d’une entreprise regroupe toutes les problématiques d’image de marque dont les destinataires sont les salariés mais aussi les futurs candidats. L’image d’une entreprise et sa marque employeur sont donc nécessairement liées.
Je ne pense pas m’être trompée en ayant cité le baromètre Posternak. Il peut fournir un bon indicateur de l’état d’esprit des candidats, car on est à peu près certain de retrouver ces chiffres si on parvient à constituer un échantillon représentatif d’individus. En effet un candidat peut être lui-même un client ou un consommateur des produits de l’entreprise (Engie ou la SNCF par exemple). Je suis convaincue que ce serait une erreur de la part d’une entreprise de ne pas « coordonner » ce type de classement avec leurs campagnes de marque employeur, qui pourrait rattraper d’éventuels impairs (campagne de marque employeur pour les candidats et campagne de publicité pour le public).
Certainement, mais si l’on regarde les classements employeurs en France :
– http://universumglobal.com/rankings/france/professional/2015/business/
– http://universumglobal.com/rankings/france/professional/2015/engineering/
– http://universumglobal.com/rankings/france/student/2015/engineering/
On retrouve Engie, Total, Dassault et la SNCF très bien placés chez les professionnels comme chez les étudiants. Si l’on prend le classement Great Place to Work :
– http://www.greatplacetowork.fr/meilleures-entreprises/best-workplaces-france
Voici Monsanto, McDonald’s, Kronenbourg et Volkswagen parmi les employeurs les plus sexy de l’hexagone !
Quatre hypothèses :
– Les français sont schizophrènes.
– Les classements employeurs sont bidons.
– Le baromètre Posternak mesure une satisfaction client qui n’a pas de lien avec l’envie ou non de rejoindre l’entreprise en tant que collaborateur, d’ailleurs, Airbus mis à part aucune entreprise exclusivement BtoB n’apparaît dans le baromètre.
– L’opinion publique est peut-être déconnectée de certaines réalités – Un ingénieur participant à l’amélioration des technologies photovoltaïque chez Engie ou Total ou un ingénieur cherchant à diminuer les émissions de particules fines des moteurs diesel VW, aura certainement la conviction d’œuvrer activement pour la planète, là où le grand public verra des entreprises cherchant à maximiser leurs profits sans regarder les conséquences environnementales.
Pour aller plus loin sur les leviers de motivation :
https://www.jobteaser.com/assets/press/2014-04-Deloitte-Entreprise-ideale-de-demain.pdf
Je vous remercie pour ce point de vue très intéressant et complet !
Mais comment appréhender alors la nuance entre une entreprise où il fait « bon travailler » et une entreprise pour laquelle on veut travailler par conviction quelles que soient les conditions de travail (et qu’on peut considérer malgré tout comme une entreprise où il fait bon travailler car on s’y épanouit personnellement) ?